«Il est impératif pour l’ensemble des communes de jouer la carte de la transparence, de publier les budgets et de faciliter l’accès à l’information en vertu de la loi prévue à cet effet»
Dans une volonté manifeste de s’attaquer à un fléau souvent passé sous silence, la maire de Tunis, Souad Abderrahim, a révélé que des enquêtes sont en train d’être menées pour mettre en lumière des affaires de corruption.
Des affaires dans lesquelles plusieurs agents municipaux seraient impliqués, notamment des pots-de-vin pour l’enregistrement de contrats de mariage. Selon Souad Abderrahim, une seconde enquête est en cours et concerne «la désignation d’un inspecteur général au poste de directeur de l’agence des services environnementaux».
Pour Aicha Karafi, présidente de l’Association tunisienne de gouvernance locale, s’il est très difficile d’avancer un chiffre sur l’ampleur du phénomène de la petite corruption, elle estime qu’il est général et qu’il concerne l’ensemble des communes. Toutefois, au lieu de se focaliser sur la corruption en elle-même, Aicha Karafi préfère parler des outils qu’il faudrait mettre en place dans les collectivités locales pour diminuer fortement les moyens qui encouragent la corruption.
«Il est impératif pour l’ensemble des communes de jouer la carte de la transparence, de publier les budgets et de faciliter l’accès à l’information en vertu de la loi prévue à cet effet», explique-t-elle. Par ailleurs, pour la petite corruption, la présidente de l’Association met en avant les avantages de la digitalisation. Elle permettrait en effet de réduire le nombre d’intervenants et de mieux cerner les processus de chaque opération établie par les agents.
Dans une étude menée par l’Association tunisienne des contrôleurs publics, publiée en février 2022, la corruption administrative a augmenté de 21% par rapport à 2014.
Selon cette même étude, 1,5 million de Tunisiens auraient accepté de payer au total 570 millions de dinars de pots-de-vin en 2021, en contrepartie de services administratifs. Dans les collectivités locales, le taux de corruption atteindrait 14%, selon les estimations.
«Depuis 2019, la ville de Tunis a engagé sous l’impulsion de sa maire, Mme Souad Abderrahim, et des autorités nationales un travail sur la transparence et le management anticorruption avec, en ligne de mire, la norme ISO 37001. Un enjeu de bonne gouvernance, d’efficacité, mais aussi de confiance avec la population», assure toutefois l’Association internationale des maires francophones.
De son côté, Maher Achour, spécialiste de la gouvernance locale, met l’accent sur une corruption qui dépasse les pots-de-vins pour de simples services administratifs locaux. Contacté par le journal La Presse, il cite notamment l’exemple d’un conseiller municipal, qui n’a pas hésité à créer par le biais d’un prête-nom, une société spécialisée dans l’installation de l’éclairage public, pour remporter un marché lancé par la commune dans laquelle il est élu. Cependant, Maher Achour insiste sur le fait que certaines municipalités ont fait preuve d’une grande maturité et d’exemplarité en matière de lutte contre la corruption. «La municipalité de Bouhajla, du gouvernorat de Kairouan par exemple, fait un travail remarquable autour de la transparence», explique-t-il.